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Le
profilage criminel
© octobre 1999 suite |
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Quelle
est la technique du profilage criminel en France ?
Le profileur dès réception du dossier prend contact avec l’enquêteur. Ce dossier est constitué des premières constations sur la scène de crime, des différents rapports, des dépositions des témoins, de l'enquête de voisinage, des photos et plans de la scène de crime, du dossier médico-légal, du rapport et photos d'autopsie, du rapport balistique…
Le profileur va rarement sur la scène de crime et c'est à partir de ce dossier qu'il doit reconstruire une vision globale mais précise de l’organisation de la scène de crime : la situation/l’axe du corps par rapport au lieu, la position des différents objets, l’emplacement des différentes traces (de lutte, de sang, …), la probabilité de découverte plus ou moins rapide du corps, l’environnement de voisinage (maisons, véhicules, routes, rivière).
Voir ci-après .
Etablissement du profil criminel
.
Transmission du profil aux enquêteurs Une
fois établi, le profil psychologique est transmis aux enquêteurs
avec conseils et suggestions en vue de son utilisation sur le terrain.
Les recommandations sont adaptées en fonction du type d'affaire
soumise aux spécialistes, en considération du profil esquissé. Enfin,
lorsque le profil psychologique est construit, il doit, le cas échéant,
être comparé aux nouveaux faits. Le profil est dors affiné
en fonction des nouveaux éléments de l’enquête.
Est-ce un endroit isolé ou au contraire de passage ? Cela s'est-il passé en milieu urbain ou rural ? Le lieu où a été retrouvé la victime est-il différent ?
Quelles étaient
les date / heure du crime (de nuit/de jour, date spéciale, …) ?
.
de l'autopsie psychologique (victimologique) Le
profil d'un criminel est construit, en France, généralement
à partir du dossier policier (témoignages, photographies
de la scène de crime, déposition du suspect,…) et du dossier
médico-légal (rapport médical, rapport d'autopsie,
rapports balistiques, …). En partant des traces, séquelles présentes
sur la victime et de l'organisation de la scène de crime, on remonte
via le passage à l'acte, aux circonstances situationnelles et à
un panel de suspects. Mais
à aucun moment on ne tient compte de la victime en tant que personne
en interaction dans ses environnements social et intime. C'est en cela
que l'autopsie psychologique ou victimologique apporte une nouvelle voie
d'investigation.
En
fait, cela n'est pas toujours aussi simple. Deux cas de figure se présentent
: soit la victime a survécu à son agression soit elle est
décédée. Lorsque
la victime survivante est questionnée sur ses interactions sociales
et personnelles on peut bénéficier d'une description complète
des environnements plus ou moins à risque dans lesquels elle évoluait,
même de ceux que ses proches (famille, conjoint) ne connaissent pas.
Par contre, la victime vie cet interrogatoire comme une intrusion voire
comme une seconde agression. Pourquoi enquête-t-on sur sa vie, elle
n'est qu'une victime. De plus, se trouver un lien avec son agresseur peut
mener à un sentiment de culpabilité accru. Aurait-elle pu
le prévoir, l'éviter ? Lorsque
la victime est décédée, on ne la connaît qu'au
travers des dires et du regard des autres. Seules ses interactions avec
son milieu social et familial seront cernées. Si une autopsie a
été requise par la Procureur de la République, le
rapport en sera joint au dossier judiciaire auquel a accès le profileur.
L’autopsie aura permis de déterminer la cause exacte de la mort
(qui n’est pas toujours celle qui semble liée aux lésions
apparentes), les maltraitances/lésions subies, si
ces lésions sont ante ou post mortem, s’il y a lieu, le type d’arme
utilisé et si le sujet était sous influence d’alcool ou de
toxiques. Si cela n’avait pu être le cas lors des examens préliminaires,
les différents prélèvements effectués auront
peut être amenés à une identification de la victime,
sinon plus approximativement à l’identification de son milieu d’évolution
quotidienne (par exemple, si la victime souffrait d’éthylisme, des
recherches pourront être menées dans certains bars, cafés). Dans
tous les cas, il faut se demander pourquoi et comment cette victime a été
"choisie" (son apparence physique, sa fragilité psychologique,
ses habitudes privées et professionnelles, son environnement social,
sa généalogie).
En quoi s'insère-t-elle dans le fantasme de l'agresseur ? Quel rôle
a-t-elle joué ? Quelle relations y avait-il avec l'agresseur ?Chaque
agresseur présente des volets à la fois psychopathiques et
schizophréniques, et bascule d'un versant à l'autre en fonction
de la situation et de la victime en présence. .
du profil psychologique de l'agresseur C'est
une représentation vivante des actions de l'agresseur. En reconstruisant
les motifs à partir des patterns comportementaux de l'agresseur,
le profileur peut alors reconstruire les fantasmes de l'agresseur. Lorsque
nous appliquons nos propres valeurs ounos systèmes de croyance à
la scène de crime, cela devient très difficile. Les agresseurs
ont leurs propres normes, leurs propres valeurs. On décrit d'abord
les agresseurs par leurs comportements. Ensuite on se demande quel désir
ces comportements satisfont. Il faut se souvenir que les agresseurs en
général ne commettent pas leur crime par accident, ils ont
leurs propres raisons. Ainsi un motif inconnu est expliqué à
partir de comportements connus. Dans le cas des crimes sexuels, les agresseurs
ont déjà vécu leur crime à travers leurs fantasmes
avant de passer à l'acte sur des victimes réelles. Ainsi
on démontre une escalade du fantasme vers un comportement. Le fantasme
étant planifié la victime est choisie. Elle joue un rôle,
celui que l'agresseur a besoin qu'elle occupe pour que son fantasme devienne
réel. La victime devient alors un élément de renforcement.
Le passage du fantasme au comportement demande un renforcement permanent
et par voie de conséquence une succession de victimes. Le fantasme
devient le motif et construit la signature de l'agresseur. Le fantasme
est un moyen, un processus de contrôle de la situation. Avec une
victime vivante, l'agresseur peut jouer un rôle, peut utiliser la
torture. Certains agresseurs ne sentent pas qu'ils ont le contrôle
tant que la victime n'est pas morte, aussi ils tuent leurs victimes relativement
tôt. Une fois que la victime est morte et sous contrôle, ils
peuvent contrôler le corps à volonté par divers moyens
tels que des mutilations post mortem, la déféminisation et
de nombreux rituels. Mais les fantasmes principaux restent la peur et l'humiliation
chez la victime qui permet à l'agresseur de dominer le monde qu'il
a créé (localisation de l'agression, choix du script à
utiliser avec la victime, utilisation d'armes ou non, type d'armes utilisées,
mutilations).
Qu'est-ce
que le comportement nous dit sur ce que l'agresseur a fait dans le passé,
ce qu'il fait au présent et sur ce qu'il fera dans le futur ? Il
existe 3 manifestations possibles de la conduite criminelle : le mode opératoire,
la personnalisation et la mise en scène. Le
mode
opératoire peu varier dans le temps. Il est choisi d'abord parce
qu'il est pratique et parce qu'il marche. Des modifications peuvent être
introduites parfois délibérément afin d'essayer de
tromper les investigations. C'est un concept dynamique. L'aspect
rituel du crime, cependant - celui qui répond au fantasme et revient
sans cesse à l'esprit de l'agresseur avant qu'il tue pour la première
fois - c'est sa signature, sa marque. C'est principalement cette
signature qui permet de faire le lien entre une série de crimes
via une analyse comportementale. La signature ne varie pas dans le temps.
C'est un concept statique. Elle implique les identifiants significatifs
de la personnalité de l’agresseur. C’est, par exemple : .
l’utilisation d’un certain type de liens, attaches,
la mise
en scène : il y a mise en scène
lorsque que quelqu'un modifie volontairement la
J'en
profite pour préciser qu'il n'y a pas d'agresseur à personnalité
organisée ou désorganisée. La personnalité
est soit dissociée (psychotique) ou non dissociée (psychopathique).
C'est la scène de crime, qui certes reflète le type de personnalité,
qui doit être désignée comme "organisée" ou
"désorganisée". Il
faut signaler que l’autopsie de la victime décédée
peut permettre de discerner la personnalité de l’agresseur. Celui-ci
peut avoir laissé des empreintes, des fibres (cheveux, tissus,…),
des traces (sang, sperme, excréments) parfois volontairement (doigts
essuyés sur le corps, défécation localisée),
qui sont des éléments importants de l’établissement
du profil. Dans
une situation de prises d'otages, quelle importance ont les otages pour
l'agresseur ? Quel rôle peuvent-ils jouer dans la résolution
de la situation ? Quel est leur statut, leur fonction ? Quels mécanismes
de défense ont-il mis en jeu ou ont-il fait mettre en jeu à
l'agresseur ? .
du profil sociologique de l'agresseur C'est
une approche de l'environnement social de l'agresseur comme aide à
la compréhension de la nature du crime. En fait, le principal objectif
est de découvrir ce qui arrive entre le moment où une personne
vient au monde et où elle commet un crime. Il faut définir
dans la vie de certains individus certains facteurs qui les différencient
du reste de la population : composition de la famille, relations à
la famille (enfant maltraité), aux pairs (liens relationnels inadéquats),
éducation, comportement infantile (manifestations agressives), antécédents
scolaires, liens amicaux, casier judiciaire (délits sexuels), style
de vie (solitude, besoin de se faire remarquer), déplacements (stabilité
géographique), mode opératoire (façon de fonctionner),
…
Le
profil géographique s'appuie sur les travaux de D. K. Rossmo. En
usage principalement au Canada, au Royaume-Uni, en Belgique et aux Etats-Unis,
il consiste en la recherche, via un logiciel informatique et en partant
des lieux des agressions déjà commises, soit de la base d'action
ou de la résidence de l'agresseur, soit du lieu possible de survenue
d'une agression future.
Le
profile pouvant correspondre à de nombreuses personnes, il convient
de mettre en place des techniques proactives. Sur la base des caractéristiques
de l'agresseur émergentes du profile, le profileur propose des orientations
d'enquête et/ou des mises en situation susceptibles d'attirer l'agresseur
potentiel (utilisation des medias, appât, surveillance de certains
endroits spécifiques, réunion d'informations, …).
Quant aux fameux ViCAP (Violent Criminal Apprehension Program) aux USA et ViCLAS (ou SALCV : Système d'Analyse des Liens entres les Crimes de Violence) au Canada, ce ne sont pas des logiciels de profilage. Ces systèmes permettent d'établir des liens entres différents crimes pour rechercher un agresseur commun. Le ViCAP sous sa forme initiale (200 questions, plusieurs heures de traitement des données) n'a été de rarement utilisé. Une version "allégée" vient d'être mise en place auprès des polices de Rochester, Baltimore; Kansas City, Mobile, Philadelphie, Chicago; du département du Comté de Los Angeles, des polices des états de New York, du Connecticut, du Massachusetts et de la Virginie. Quelles
limites au profilage criminel ?
-Il
n'existe pas de procédure fixe, standardisée. Aux USA, il
existe bien quelques "check-lists", mais la création d'un outil
de travail devient essentielle. A l'heure actuelle, chaque profileur pratique
comme il l'entend. -Il
découle de l'argument précédent qu'il n'y a pas de
contre-expertise possible. Là encore une grille de procédure
fiable permettrait de ne rien oublier, de revenir sur le profil établi
si nécessaire (reprise du profil par un autre psychologue), d'effectuer
un travail collégial. -Pour
être profileur aucune formation n'est exigée. Aux USA, en
Belgique, en Afrique du Sud, les profileurs sont des enquêteurs initiés
à la psychologie. En France, ces sont des psychologues ou des psychiatres
experts au pénal. Ce
sont ces arguments qui font que le FBI abandonne petit à petit le
profilage et ne renouvelle pas le personnel à la retraite formé
initialement à cette technique. Le
profilage est souvent perçu comme la faculté qu’aurait le
profileur à s’identifier à la fois à l’agresseur et
à sa victime. Comme nous l’avons vu, il n’en n’est rien. Le profilage
est bien une technique basé sur un protocole. Paradoxalement, la
prévention/résolution du crime par le profilage ne pourra
atteindre sa validité qu’au travers l’étude d’un nombre important
de crimes. On
l'a vu, la généralisation (méthode inductive) n’est
pas la base du profilage, chaque cas est unique, présente des spécificités
et c'est bien l'analyse des différences individuelles qui permettra
au profilage d'accéder à sa plénitude. Mais la recherche
de points communs reste nécessaire ne serait-ce que pour servir
de base à la compréhension des comportements criminels. Mais
les agresseurs qui se font interpellés sont-ils bien représentatifs
de la population criminelle ? Certes le nombre d'homicides résolus
en France est important, mais qu'en est-il des disparitions de personnes
non résolues ? Ne seraient-ce pas des crimes camouflés ?
Qu'en est-il des disparitions et agressions non déclarées
(le fameux chiffre noir) ? Mis bout à bout, cela nous laisse penser
que finalement seule une faible partie des criminels sont arrêtés
et jugés, de plus s'il se sont fait prendre c'est peut être
parce que ce sont les moins intelligents… Conclusions
Comme
on l'a vu, le profilage psychologique en Europe à bien des progrès
à faire pour se situer au sein de l'enquête judiciaire. De
même, il devient rapidement nécessaire de trouver une terminologie
commune et compréhensible par tous, psychologues, policiers, gendarmes,
magistrats... Sinon, le profilage en France ne se développera pas
voir régressera. Les termes mêmes de profileur (profiler)
et de profilage (profiling) sont aujourd'hui remis en question aux
Etats-Unis. En effet pour les enquêteurs comme pour les psychologues
et les psychiatres ce terme est aujourd'hui trop galvaudé. Les magazines,
les journaux, comme les séries télévisées ont
trop médiatisé ces termes.
Bibliographie ·AMOYAL-FARUCH
C., Le psychopathe : analyse prédictive de dangerosité, Forensic,
19, 1er trimestre 1998
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© Sylvianne Spitzer
Dernière modification : 4 octobre 2001 |